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En France, tester des voitures autonomes est compliqué. C’est du moins un point de vue partagé par tous les acteurs du secteur, de l’Etat aux constructeurs, en passant par leurs partenaires techniques et commerciaux. Tout en y travaillant sans relâche, l’Etat multiplie les communications et assure qu’en 2019, la France aura un cadre législatif adapté aux expérimentations des voitures autonomes.

Mais avant, les autorisations d’expérimentations sont données au compte-gouttes, à l’issue de longues démarches administratives. Si l’absence d’un cadre législatif approprié est pointée du doigt par les uns, les autres indexent plutôt des défis majeurs que les voitures autonomes ne parviennent pas encore à surmonter.

Résultat : la France est encore à la traîne en matière d’expérimentation de voitures sans chauffeur et des entreprises nationales comme Valeo sont obligées de faire montre de leurs expertises à l’étranger en accumulant des kilomètres de tests, notamment aux Etats-Unis.

Dans les lignes qui suivent, nous examinons point par point les différents obstacles qui compliquent encore les tests de voitures autonomes en France.

Expérimentations de voitures autonomes en France : des autorisations timides

Les expérimentations étant strictement encadrées, les acteurs du transport et les industriels doivent nécessairement obtenir une autorisations ou une dérogation. Mais obtenir le précieux sésame relève souvent du parcours du combattant. De 2014 à 2017, ils ont bénéficié de 51 autorisations pour tester leurs navettes et voitures autonomes en France. Heureusement, les choses semblent désormais s’accélérer, si l’on en croit les autorités compétentes.

Si les conditions à remplir sont restées longtemps officieuses, elles sont désormais officielles grâce à deux décrets. L’un est paru le 30 mars 2018 et entré en vigueur le lendemain. L’autre, pris le 17 avril, comporte des dispositions qui n’entreront en vigueur qu’en 2019.

Pour obtenir une autorisation d’expérimentation en France, un propriétaire de voiture (s) autonome (s) doit en faire la demande en fournissant les dossiers suivants, précisés par l’arrêté du 17 avril 2018 :

  • Un (long) questionnaire (à remplir) disponible à l’annexe 1 dudit arrêté ;
  • Le dossier technique de chaque voiture autonome devant être testé ;
  • Un dossier d’expérimentation contenant au moins six pièces parmi lesquelles figure une attestation d’assurance couvrant l’expérimentation de véhicules à délégation de conduite ;
  • Une lettre de demande adressée par voie électronique au ministre de l’intérieur et au ministre chargé des transports.

Le demandeur doit fournir diverses garanties de sécurité pour se donner toutes les chances d’obtenir la précieuse autorisation. Par exemple, une boîte noire installée dans la voiture autonome s’avère un atout. Au moment des tests, la présence à bord du propriétaire et celle d’un conducteur titulaire d’un permis valide sont bien appréciées. Toutefois, le propriétaire peut valablement se faire représenté par une personne dûment mandatée.

C’est une batterie de documents qu’il faut fournir aussi bien au ministère des transports qu’au ministère de l’intérieur. Ensuite, il faut attendre jusqu’à 3 mois pour savoir si l’autorisation est accordée ou non. L’ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Systèmes d’Information) et trois ministères interviennent dans l’examen des demandes d’autorisations d’expérimentations. Les autorisations de la police et du responsable de la voirie sont des préalables qu’il vaut mieux ne pas omettre. En raison de leur expertises, d’autres acteurs administratifs comme le Cerema sont aussi sollicités.

La réticence sociale

La France a une indéniable tradition de conduite automobile. Ce « savoir » transmis d’une génération à une autre, marque le passage à l’âge adulte et à la responsabilité. Apprendre à conduire une voiture automobile à sa progéniture est une marque de confiance.

Cela dit, le passage à la conduite autonome n’est pas du tout plébiscité dans l’Hexagone en raison du bouleversement qu’il induit. Il ne faut pas s’attendre à une acceptation sociale systématique. Mais ce n’est pas une première. La peur et le rejet du changement ont toujours rythmé la vie en société.

Pour donner confiance à la population et faciliter son adhésion, les contructeurs ne manquent pas d’imagination. Par exemple, Jaguar place des capteurs de mouvements très visibles car sous forme d’yeux. On se croirait en face d’un des personnages Cars, film d’animation de Pixar. Ford, Mercedes, Daimler et Semcon ont testé des signaux similaires. Ces initiatives suffiront-elles pour faciliter l’acceptation sociale?

La question de la responsabilité en cas d’accident impliquant une voiture autonome

Bien qu’elles soient considérées comme solution durable aux nombreux accidents de la circulation dûs à 90% aux erreurs humaines, les voitures autonomes ne sont pas encore si sûres. Sous d’autres cieux, elles sont même déjà impliquées dans des accidents qui, au-délà des dommages matériels, sont parfois mortels. Les cas récents de Tesla et de Uber font école. La France a donc raison de prendre ses précautions, tout en encourageant l’innovation.

Déterminer la responsabilité en cas d’accident est capital pour les assureurs. Qui endosse la responsabilité en cas d’accident impliquant une voiture autonome ? A cette question, les réponses ne sont pas claires sauf celles des autorités. Pour l’Etat, la question ne se pose pas car les entreprises demandeuses des autorisations d’expérimentations sont totalement responsables du point de vue pénal en cas de dommages corporels et pécuniairement pour faire face aux amendes. Cette appréciation de l’Etat ne semble pas être partagée par certains acteurs qui estiment que le robot conducteur ne saurait être responsable.

Et pourtant, c’est à lui que reviendrait le choix de la personne ou des personnes à sacrifier en cas de collision inévitable (quand freiner ne résoudra rien). De toute évidence, la voiture autonome choisira la situation qui lui semblera appropriée.

Un cadre législatif en 2019 pour faciliter les essais des voitures autonomes ?

Les autorités françaises promettent qu’en 2019, il sera moins compliqué de tester des voitures autonomes en France. La raison : l’existence d’un cadre législatif approprié. En effet, la loi Pacte, notamment son article 41, prévoit d’autoriser les essais techniques de voitures autonomes à délégation partielle ou totale de conduite.

Toutefois, rien n’est gagné d’avance puisque le 14 juin 2018, le Conseil d’Etat a donné un avis préconisant l’exclusion des expérimentations nécessitant l’inattention, voire l’absence d’un conducteur à bord des voitures autonomes.