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Le terme « pures players de l’information » désigne des organes de presse diffusant des informations sur le web, et qui ne disposent pas d’un support papier. Ces sites d’information, qui défendent une approche indépendante et originale du journalisme, ont connu une véritable explosion ces dernières années. Mediapart, Atlantico, Rue89 et The Huffington Post ne sont que quelques noms de cet écosystème en pleine croissance. En dehors de leur indépendance, les pures players ambitionnent de donner la parole aux auditeurs à travers des débats, des interrogations, des commentaires et des opinions. Dans les lignes qui suivent, nous allons voir comment se porte cette nouvelle presse en France.

Un secteur en plein boom

Depuis le lancement des premiers pure players en 2007-2008, on a assisté à l’apparition d’une multitude de sites web dédiés à l’information. En l’espace de quelques années, des titres comme Arrêt sur Image, Mediapart et Rue89 se sont imposés comme des valeurs sûres de la presse hexagonale. Ces sites ont vaillamment bravé les grands groupes, qui jusqu’alors détenaient un quasi monopole sur l’information.

Loin de se complaire dans l’informel, ces nouveaux acteurs se sont organisés afin de produire une information de qualité qui respecte toutes les règles déontologique du journalisme. C’est ainsi qu’est né le Spiil (Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne). En plus de défendre leurs intérêts, ce syndicat a pour vocation de les rendre plus visibles aux yeux des pouvoir publics et de contrer l’influence démesurée des groupes monopolistiques.

Se démarquant complètement des pratiques des acteurs traditionnels, les pures players envisagent de promouvoir le pluralisme des opinions et la diversification des contenus. Ces journaux en ligne s’affranchissent également des contraintes de productivité que s’imposent les journaux traditionnels pour se concentrer sur des contenus à très forte valeur ajoutée.

Des acteurs encore fragiles

Les pures players sont peut-être dynamiques, mais ils souffrent d’un certain nombre de fragilités. Si certains ont pu percer la glace, nombreux sont les pures players qui tirent encore le diable par la queue, faute d’une audience et de finances conséquentes. Les chiffres de la fréquentation ne sont pas roses. Seuls 35% des Français affirment recourir à des pures players comme source d’information.

Les choses s’améliorent année après année en ce qui concerne la fréquentation de ce type de médias, mais l’aspect financier ne suit pas toujours. En dehors de quelques pures players comme Mediapart qui ont atteint l’équilibre financier, nombreux sont ceux qui sont encore déficitaires. Un espoir subsiste cependant. Les investisseurs s’intéressent encore à cette niche et y investissent des sommes conséquentes, car ils sont convaincus que les pures players seront un jour rentable.

Un décret datant de 2009 donne aux pures players le statut d’éditeur de presse. De ce fait, ces nouveaux acteurs peuvent désormais prétendre aux aides étatiques. La même année, l’état a mis en place un fonds de 20 millions d’euros afin d’aider les sites d’information à se développer. Ces dispositifs laissent augurer d’un avenir meilleur pour ces nouveaux acteurs.

Des modèles économiques très diversifiés

Afin de survivre, les pures players empruntent un certain nombre de recettes aux acteurs traditionnels. Nombreux sont, en effet, ceux qui capitalisent sur les annonces et les ventes aux lecteurs. Ces stratégies ont subi quelques adaptations, mais la base est toujours la même. Afin d’attirer la faveur des annonceurs, les pures players optimisent leurs sites pour les moteurs de recherche et cherchent à attirer une audience de plus en plus grande.

Ainsi, en 2012, les recettes publicitaires pesaient 44% des revenus de Rue89. Ce site a opté pour la gratuité des contenus qu’il fournit. A contrario, Arrêt Sur Image et Mediapart ont choisi de faire payer leurs auditeurs et ont renoncé à la publicité. Ce modèle semble viable, puisque ces deux pures players sont devenus rentables après 3 années d’existence.

Certains pures players tirent de substantiels revenus en vendant des contenus à d’autres sites. En 2011, Rue89 et Slate en avait tiré respectivement 30 et 18% de leurs revenus. L’édition de livres et d’ebooks est une piste empruntée par des acteurs comme Arrêt Sur Image et Mediapart.

Pures players : une réinvention du journalisme

Si les pures players ont pu se faire une place dans le cercle très fermé de la presse, c’est, avant tout, parce qu’ils ont su se démarquer des acteurs traditionnels. Ils ont apporté de nouvelles normes dans la profession journalistique. On peut citer, entre autres, le modèle pro-amateur, dans lequel l’information est produite par une collaboration entre journalistes professionnels et amateurs. Dans ce journalisme participatif, l’information est éditée par les internautes, des experts et des journalistes.

On assiste à un abandon de la transmission verticale au profit d’un système horizontal où l’information est enrichie par une conversation entre les différents protagonistes. Le lecteur peut non seulement poser des questions, mais également formuler des critiques et apporter éventuellement son expertise. Les pures players sont également caractérisés par leur grande inventivité éditoriale et leur tendance très marquée à sortir des sentiers battus.

Avec ses nouveaux acteurs se dessinent les nouvelles frontières du journalisme. Loin d’être les ennemis de la presse traditionnels, ces nouveaux médias donnent un avant-goût de ce que sera la presse dans quelques années. La presse papier est sur le déclin et seuls ceux qui auront réussi leur conversion au numérique survivront. Chercher à les abattre serait donc une grossière erreur.